Photos
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07:23:14
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 07:23:14
Tous ces allers-retours entre Noisy-le-Grand, la région parisienne en général, et Puiseux-en-Bray se ressemblent et paraissent se fondre en un seul et même trajet qui dure assez longtemps pour contenir en lui toutes les anecdotes, les faits curieux, les accidents, les pensées et les rêveries, les cassettes et les émissions de radio écoutées en conduisant, les arrêts en bord de route, le plus souvent pour pisser, souvent aussi pour prendre le frais et lutter plus efficacement contre la fatigue et le désir de sommeil qui me gagnaient, d'autres fois encore pour prendre des photos ou encore des notes sur toutes sortes de papier que je pouvais trouver à bord de la voiture, une fois même ne trouvant rien qui puisse faire l'affaire dans la voiture, j'avais allumé l'ordinateur portable du travail et j'avais ouvert et enregistré un petit fichier de bloc-notes, dans lequel j'avais consigné quelques détails auxquels j'avais soudain pensé et dont je savais que si je ne les notais pas, jamais, ils ne seraient souvenus, le contenu de ce fichier .txt est d'ailleurs devenu la matière d'un bloc-notes en ligne, alors est-ce étonnant que depuis cinq ans que nous vivons à Puiseux-en-Bray et que je fais deux fois par semaine ce trajet qui me sépare de Noisy-le-Grand, est-ce étonnant donc, si ce trajet me paraît de plus en plus long tant ma mémoire s'acharne inexorablement à amalgamer toutes les pensées toutes celles justement que j'ai pû connaître en conduisant lors de ce trajet. Et faisant le tri dans toutes ces photographies prises ce matin, je m'aperçois comment les commentaires que je pourrais en faire seraient déjà écrits parmi toutes les notes que j'ai déjà pû écrire à propos de ce trajet. Dont acte.
day 22042003.txt 1/2 keywords Station service -
07:25:09
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 07:25:09
Ce matin plutôt qu'un autre, il faisait bon rentrer. Bon de boire un café à la station essence, de parcourir les titres des journaux par dessus l'épaule du voisin (de noter, amusé plutôt qu'amer, décidément que de relachement!, que l'omniprésence de notre gouvernement d'extrême-droite en représentation permanente remplit les pages jusqu'à recouvrir la disparation de Maurice Pialat, dont la presse populaire semble surtout se faire l'écho du mauvais caractère, moins de l'oeuvre), sur la piste de la station-service des camions garés alignés comme on serre les briques sombres qui se détachent sur un ciel délavé, bon de reprendre le volant, l'esprit rafraîchi, bon de s'arrêter à nouveau en bord de champ, souffler de nouveau, mettre son nez au vent de plaine, de constater les progrès timides de l'aube bleue, bon d'arriver à la maison, de croiser les enfants sur le "chemin de l'école", bon de s'endormir comme un cachalot qui regagne le fond de la mer, bon de se réveiller avec le courier du jour, l'ami Christian me régale d'une galette de Charlie Haden avec Gonzales Rubalcaba. (13 janvier 2003)
day 22042003.txt 1/2 keywords Camion -
07:30:12
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 07:30:12
Photographier la une d'un journal, on pourra aller jusqu'à engager les services d'un otage, figurant habituellement parfait pour la photographie de la une d'un journal, est-ce la une du journal ou la mine lessivée de l'otage qui fait foi? L'impression tout de même de dater ma journée plus surement qu'en indiquant l'heure et la date de chaque photographie. (Extrait de la Cible)
day 22042003.txt 1/2 keywords Journal -
07:33:56
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 07:33:56
Après le travail de nuit sur la route du retour la halte habituelle dans la station-essence de Cergy-Pontoise, pas tant évidemment pour reposer la monture, que pour secouer le cavalier avec un café. C'est lundi matin, il est sept heures du matin. Tout le monde est levé depuis tôt ce matin, les traits sont tirés, nous ne sommes que des hommes et nous sommes aglutinés autour de deux tables hautes à remuer nos agitateurs de café en plastique, certains parmi nous se sont achetés de ces croissants sous vide, pour d'autres c'est cigarette, pour d'autres encore le journal, un cammioneur a encore une serviette éponge autour du cou, il vient de prendre sa douche, a remis la clef au jeune gars derrière le comptoir et croque maintenant de belles dents dans un épais sandwhich partiellement extrait de son emballage de cellophane. Et je me dis que ces hommes-là sont pour la plupart aimés par des femmes. Mais qu'est-ce qu'elles nous trouvent les femmes, à lui par exemple qui mastique bruyamment son croissant, il a des miettes tout autour de la bouche. Et à lui dont la cigarette brûle le bout des doigts jaunis par les petites soeurs de cette cancerette, lui dont la cravate de représentant de commerce est à chier vraiment, et lui qui est chauve et qui lit le Parisien, et ce gros type moustachu qui lui lit l'Equipe d'un air instruit et qui fait ses remarques sur le fait qu'il faille ou non garder l'entraineur après cette débacle, il parle à un type qui est tout maigrichon, qui aimerait bien ne pas être d'accord mais qui n'arrive jamais à en placer une, lui qui a encore de la mousse à raser dans les oreilles, lui qui tousse sans arrêt, une toux matinale grasse et dont le teint cireux fait tout de même peine à voir. Ca sent le café, les cigarettes et l'aftershave, ça sent l'homme aussi, lui il ne doit pas se laver tous les jours et même un lundi matin, il n'est pas très propre. Et lui qui a travaillé aussi de nuit et la fatigue de lui arracher des baillements qui découvrent des dents grises. Vraiment qu'est-ce qu'elles peuvent nous trouver les femmes, elles ne peuvent tout de même pas aimer cette odeur, ces cheveux gras desquels il neige, ces auréoles de sueur sous les bras, elles ne peuvent tout de même pas aimer cela, ces ventres rebondis de mecs qui regardent le rugby à la téloche en rotant des ales, ces ongles rongés jusqu'au sang, ces haleines chargées dès le bon matin, ces bouches pâteuses, tout de même elles ne peuvent pas avoir envie d'embrasser des types pareils, les femmes, de recevoir ces étreintes de rustres, vraiment qu'est-ce qu'elles nous trouvent les femmes? Et j'en suis là de mes réflexions de bon matin, un lundi matin à la station-service quand je me dis que tous ces hommes autour de leurs insipides cafés de distributeurs, sont mes semblables, que pour cette raison je les aime, je les aime comme mes semblables, je me dis que je devine leurs cuisses poilues, leurs ventres, leurs torses avachis, leurs bras maigres ou au contraire adipeux, je ne peux m'empêcher de les aimer. Mais les femmes comment font-elles? J'arrive tandis qu'il fait encore nuit, le jardin est sombre qui bruisse sous une pluie sans vent. Je te fais un café, pas un bon café, du déca, du lyophilisé, je mets deux sucrettes, je ne sais pas comment tu fais pour te réjouir de boire un truc pareil le matin. Je monte, la fraîcheur matinale est partout dans la chambre, sous la couette tu es brulante et douce, tes seins sont dans mes mains, tes fesses contre mon ventre. Et toi qu'est-ce que tu me trouves, à moi qui aies un gros ventre, des cheveux gras, mauvaise haleine et qui ne sent pas bon la fatigue de la nuit, la sueur aussi un peu et qui tremble, qui s'endort tout de suite contre toi et qui surement doit ronfler, qu'est-ce que tu peux bien me trouver? (2 décembre 2002)
day 22042003.txt 1/2 -
07:35:43
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 07:35:43
A la station-service de Cergy-Pontoise, un appareil à rouleaux pour laver les voitures est un nouvel oxymore pour la journée, comment peut-on rêver de laver une voiture ou quoi que ce soit d'autre dans un endroit aussi crasseux? D'ailleurs des voitures qu'on lavait dans cette station, je n'en ai jamais vue une seule. Ce que j'ai vu en revanche c'était l'écran de contrôle de cette énorme machoire aux gencives de baleine débiter des messages vides de sens "Entrez votre code", "Bonjour" ou "Merci de votre visite" et de penser, songeur, que nul ne lit vraiment de tels messages, nul n'y prête attention, ces messages sont programmés à l'affichage et ils l'ont été uniquement parce que cela ne coûte rien de le faire, au même titre que les labyrinthes tubulaires à deux points de fuite construits à toute berzingue par l'ordinateur qui repose ainsi son écran. De même le 4 novembre dernier:"Tandis que je conduis pour aller au travail, je me réjouis qu'un de ces panneaux numériques habituellement destinés à relèguer des informations à la précision aussi maniaque qu'inutile __ de l'autoroute A4 jusqu'à l'autotoute A86, comptez six minutes, et non cinq __ sur ces panneaux donc, je me réjouis de voir que l'un d'eux est resté en carafe depuis la semaine dernière qui met en garde contre un danger qui n'a plus cours: Vent violent. Poésie involontaire, aussi, dans l'épithète qui décrit si bien le vent. Dans l'absurdité de la circulation dense, je pense au vent du dehors de Bataille"
day 22042003.txt 1/2 keywords Machine à laver, Station service -
07:40:21
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 07:40:21
Après Cergy-Pontoise, prendre la nationale 14 en direction de Rouen. En prenant de l'essence au supermarché de Gisors, sur le chemin du travail, le ciel bas se prête admirablement à des considérations pas très réjouissantes. Le parking de ce supermarché fait grise mine, les troènes qui le bordent sont tous atteints de lèpre, une ordure de papiers gras et d'emballages dépecés jonche le sol et les taillis, les graffittis étouffent les murs, tout est l'abandon et les indications de volume et de somme à payer, même lumineuses, peinent à se rendre lisibles sous l'épaisse couche de crasse qui couvre les pompes. La guérite de la caisse a été refaite il y a un an à peine, la précédente avaient des allures de bidonville, la nouvelle est pareillement promise à la jachère. C'est ici que je prends mon essence, non que je me plaise à y faire la queue qui y est souvent longue, mais c'est ici que l'essence est la moins chère. Et aujourd'hui plus qu'un autre jour je réalise
qu'habituellement, je ne regarde pas ce que j'ai sous les yeux, l'abandon à la saleté de cette pompe annexe, je dois surement détourner le regard, comme nous apprenons à le faire de la misère, de celle qui est à notre seuil et qui dérange notre confort douillet. Nombreux sont ces espaces de la ville qui sont régulièrement sacagés et pour lesquels on se plait souvent à souligner que ceux-là même qui les ont endommagés, souvent en les rendant inutilisables à tous, ne feraient pas de même chez eux. "Quand on voit ce qu'on voit et qu'on entend ce qu'on entend on a raison de penser ce qu'on pense". Dans le cas du parking du supermarché de Gisors, c'est la gérance même du supermarché qui est assez vandale pour nous infliger le spectacle désolé de ce parking en friche. D'ailleurs en y pensant bien ces espaces de vie intermédiaire, là où nul ne pourrait dire qu'il a vécu quoi que ce soit de notable, moments de la vie que nous oublions au moment même où ils se produisent, des
cendre de la voiture, prendre un chariot, faire ses courses, vider les courses dans le coffre, rapporter le chariot, démarrer et repartir chez soi, tant de tâches accomplies dans la précipitation de vouloir s'en échapper au plus vite, ces espaces de vie, où la vie n'est pas donc, se sont dégradés sans que nous nous en soyons aperçus. Cette dégradation fut lente. Lentement, nous avons appris à ne plus voir cette laideur repoussante. La course au profit veut surement cela. Elle nous habitue au fait que le maintien des prix et de la qualité des marchandises se fait au prix d'une négligence accrue de ce qui lui est périphérique. Au même titre que dans la ville nouvelle où je travaille, je vois des facades de sociétés, certaines notables, dans ce qu'elles ont pignon sur rue et que leurs noms vous diraient toutes quelque chose, certaines de leurs façades, donc, portent encore en janvier 2003 les stygmates hérités de la tempête de décembre 1999. L'intensité du commerce est telle qu
e nul n'a le temps de réparer la devanture, nous continuons à vous servir pendant les travaux. Nous avons appris à ne plus voir ces carreaux brisés, ces bâches devenues fort sales qui cachent la misère vraiment, nous ne les voyons plus et finalement n'ouvrons plus les yeux qu'arrivés de retour dans notre cocon, notre maison, hâvre de proreté et d'ordre. Sur le chemin du travail, je ne vois plus la périphérie de Gisors sur laquelle l'implantation sauvage de hangars et de supermarchés égrenne de ces structures à charpente métalique qui sont autant de verrues dans le paysage. Je ne vois plus en haut de la montée sur l'aire de repos où souvent est stationnée une cammionette de prostituée, des ordures et des ordures qui débordent de la seule et modique poubelle prévue pour receuillir seulement les papiers gras d'une famille qui se serait arrêtée là pour une courte halte. Plus loin je ne vois plus le village-rue que tous traversent à pleine vitesse et dont les murs des maisons qui
bordent le route portent la saleté de la route jusqu'à hauteur d'homme. Je ne vois pas non plus la chaussée défoncée au rond-point, plus loin, au retour du travail de nuit c'est pourtant là que je m'arrête à chaque fois pour couper la route au sommeil. Et quand je traverse Cergy, sur l'autoroute, je ne vois plus ces immeubles mal conçus, mal dessinés, mal construits, ces quartiers qui n'en sont pas, tout juste une succession de rond-points, en s'approchant encore de Paris, les voies se font plus larges, je ne vois pas d'avantage les rambardes crasseuses, autour de Paris, les tunnels noircis au gaz d'échappement, je ne les vois plus, arrivant à Noisy-le-Grand, je ne vois pas davantage l'immeuble de Riccardo Bofill totalitaire dans la bruine, sale surtout, et dont on a le sentiment qu'il se delitte surement de partout. Les trottoirs qui le jouxtent n'ont pas été bitumés jusqu'au bout. Là les graffittis crient plus fort. En arrivant au travail j'apprends que les réseaux du mon
de entier essuient le feu d'une attaque virale. Ce n'est pas encore cette semaine que la façade sera refaite. Comme je ne la vois plus, je ne vais pas m'en plaindre. (26 janvier 2003)day 22042003.txt 1/2 -
07:46:23
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 07:46:23
Ces lignes extraites d'Espèces d'espaces de Georges Perec:"Cela n'aurait évidemment aucun sens s'il en était autrement. Tout a été étudié, tout a été calculé , il n'est pas question de se tromper, on ne connait pas de cas où il ait été décelé une erreur, fût-elle de quelques centimètres, ou même de quelques millimètres.
Pourtant je ressens toujours quelque chose qui ressemble à de l'émerveillement quand je songe à la rencontre des ouvriers français et des ouvriers italiens au milieu du tunnel du Mont Cenis."
Et quand je conduisais ce matin sur l'autoroute et ses tunnels déserts, j'entendais l'écho de cette voix qui ne pouvait pas être la mienne tellement elle me parvenait de loin, comme de l'autre tronçon d'un tunnel qui ne serait pas encore percé de part en part et dont justement de grossières erreurs de calcul et d'appréciation auraient conduit à ce que les deux tronçons ne se joignent pas, ma voix dans un micro, hier soir, au cours d'une lecture d'Espèces d'espaces de Georges Perec. (premier février 2003)day 22042003.txt 1/2 keywords Prairie -
07:48:07
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 07:48:07
Vu aperçu mal vu sur le côté de la route en allant au travail cette fin d'après-midi, une voiture accidentée, de laquelle est sorti un homme qui se rendait surement à un mariage pour être habillé de façon aussi sote, une espèce de complet veston pied de poule, à moins que ce ne fût à un bal masqué, l'homme était de grande taille, éflanqué, décidément très emprunté dans son costume de témoin de mariage endimanché, il portait dans ses bras, retenus dans des mains osseuses et dûment gourmettées un épouvantable chiot, une sorte de chihuahua-à-sa-mémère-avec-un-ruban-entre-les-oreilles, vous n'êtes pas obligé de me croire mais ce chien-là portait effectivement un ruban rose sur le chef, ce qui d'ailleurs se détachait prodigieusement, en terme de couleurs, du pied de poule gris moyen, un gris donc à 18% de reflection, et qui habillait donc notre homme qui se donnait volontiers des airs de mafiosi de basses oeuvres en plein boulot. En soi cet homme était la renc(6 octobre 2002)
ontre fortuite et accidentelle de deux chansons de Tom Waits, une dans laquelle un quidam met le feu à la maison de sa femme parce que vraiment il ne supportait plus son chihuahua et cette autre chanson dans laquelle un autre quidam demande à un tiers: et tu sautes toujours par la fenêtre habillés de costumes coûteux? ( Are you still jumping out of windows in expensives suits ). J'ai bien pouffé, englué dans mon embouteillage rituel du tunnel précédant le pont de Joinville, embouteillage qui me fait d'autant plus pester, habituellement, que ma radio perd toute réception, pendant son interminable traversée. Mais cette fois le chihuahua enrubanné aidant, j'étais d'humeur plus badine, aussi je poussais un peu le volume de l'auto-radio en question, ce qui me restitua à merveille cette version acousmatique de 4 minutes 33 de silence de John Cage (je me souviens comme aux Arts Décos avec quelques copains quand on s'appelaient c'était une de nos blagues préférées de s
e dire: "attends je vais baisser un peu la musique parce que je t'entends mal. Pourquoi qu'est-ce que tu écoutes? John Cage: 4 minnutes 33 de silence!", ce qu'on peut-êtrre con quand on est jeune) version dans laquelle on entend du souffle très amplifié ( oui pendant 4'33, comme l'authentifie le compteur horaire du lecteur de CD). Le souffle était accentué encore par le grondement de tous ces moteurs cloîtrés dans le tunnel. Aux sortires de ce dernier la radio s'est remise à recevoir, une note, une seule et je reconnus, assez fier de moi ( ce n'est pourtant pas difficile, mais voyez vous en voiture, seul dans un embouteillage, toutes les vanités ne prêtent pas à conséquence ), le début de Naima de John Coltrane. C'est assez curieux, comme de retrouver dans un livre, dont j'entrepends la relecture, un signet qui me redonne à voir les conditions de sa précédente lecture: j'ai lu Pinget pour la première fois dans les Cévennes en novembre 1992, c'était Quelqu'un
, cette lecture, dans toute sa tension, m'a retenu de l'ennui sans cesse allongé après mon inutile opération du dos. De même lorsque j'écoute certains disques à la maison, je revois souvent comme en songe les paysages d'autoroutes de banlieue sacagée et saturée, en hiver, dans la grisaille, pour les avoir déjà entendus sur mon auto-radio en allant ou en rentrant du travail.day 22042003.txt 1/2 -
07:50:03
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 07:50:03
Bifurquer ensuite vers Dieppe et Gisors. Le matin de bonne heure, toujours dans cette lutte inégale entre le sommeil envahissant et le conducteur dans la lune qui traverse les grandes plaines du Vexin, résistant tant mal que bien à la tentation de tout abandonner, je décide de m'arrêter là où je ne m'arrête jamais, là où d'habitude je n'ai même pas un regard pour les alentours apparemment condamnés au desert sans accident, au beau milieu d'une de ces étendues agricoles sans vie, à la faveur d'un chemin de terre qui oblique depuis la route. L'air est un peu mobile, l'endroit désert, il fait humide, je me suis éloigné de la route, une centaine de mètres, du coup les voitures qui filaient sur la longue ligne droite glissent sans le vacarme coutumier telles des navettes d'un autre temps. Au loin les nuages gorgés d'eau se fondent les uns dans les autres, toutes grisailles confondues, la lumière grise de l'aube pluvieuse est incertaine, la nuit retomberait derriè
re cette aube baclée que nul ne trouverait à redire. Au delà de Gisors, dans la vallée de l'Epte, les nuages sont au plus bas recouvrant tout d'un crachin qui ne tardera pas à m'envelopper, si je m'éternise ici, et rien ne m'en empêche vraiment. Ce paysage de plaine offre décidément le spectacle d'une grande monotonie. A l'approche des nuages lestés de pluie, le vent se lève sans grande conviction, je ferme les yeux et je me vois soudain en pleine mer (lors de mes incessants va et vients entre Portsmouth et le Havre), curieux quand même cette sensation marine au beau milieu de la plaine, de la terre, la fatigue rend ivre. Et le soir, je relis les notes des jours précédents de ce bloc-notes et je me morfonds de tant de médiocrité: que tout ceci est mal écrit, sans relief, l'image même de la plaine pluvieuse, il faudrait rayer tout cela d'un trait, gommer tous les laborieux reliefs et faire table rase, donner à entendre le silence de ce dimanche matin déchiré de temps en temps
par le passage épisodique de voitures filantes chuintant sur l'asphalte humide. Le silence demande cependant un courage que je n'ai pas, que je n'aurais jamais: je suis cet agité sempiternel qui tourne et retourne la tête aux quatre coins de l'oreiller à la recherche d'une fraîcheur toujours plus évasive, je remonte dans mon automobile et fais le bout de chemin restant en baillant et en braillant à tue-tête Baby you can drive my car pour me tenir éveillé.(6 octobre 2002)day 22042003.txt 1/2 -
07:52:55
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 07:52:55
Je viens de retrouver le petit fichier 16062002.txt écrit sur le bord de la route sur l'ordinateur portable du travail, précisément à cet endroit: Et puis ce matin, à l'aube, en rentrant très prudemment, luttant contre l'invasion du sommeil au volant, je me suis arrêté de nombreuses fois sur le côté, en marge de la route, une faible ondée mouillait les blés blondissants en silence(16 juin 2002).
day 22042003.txt 1/2 keywords Prairie