Photos
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17:15:15
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 17:15:15
Plaine de Puiseux-en-Bray, j'emmène Madeleine, toujours très bavarde en pareilles circonstances, à la piscine de Gournay-en-Bray. J'ai honte mais j'écoute assez peu le babil incessant de ma fille, je n'y prête pas attention et bien souvent il gène ma concentration ou ma rêverie. Un jour, elle m'a demandé, avec cette sagacité typiquement enfantine, si ses paroles me dérangeaient quand " j'étais dans ma tête ". J'ai répondu oui, un peu estomaqué tout de même, mais elle ne s'est pas tûe pour autant, argant qu'elle avait des choses à dire, cela je peux le comprendre, je ne suis pas un monstre, vivement qu'elle sache écrire!, en silence. Du haut de cette colline, j'ai vu, un jour, la chose la plus incroyable qui soit, et on se demande bien quoi ?, une éclipse de soleil !, mais qui n'avait rien à voir avec celle du Temple du soleil. Comme beaucoup j'avais acheté des lunettes de soudure, en carton et en plastique, ce qui en fait de piètres lunettes de soudure, non un soudeur n'en voudrait pour rien au monde, mais vous m'avez compris, essayez pour vous même de décrire un tel objet, et revenant à la maison, après le spectacle de l'éclipse, j'étais sur le point de jeter ses lunettes à la poubelle, je ne fais pas de soudure à temps perdu à la maison et la prochaine éclipse en France est prévue pour le 3 septembre 2081, j'étais sur le point de jeter ces lunettes à la poubelle donc, quand regardant Madeleine dans son berceau, je choisis au contraire de ranger ces médiocres lunettes de soudure dont nous n'avions plus besoin, dans la boîte en carton dans laquelle Anne garde tous les menus souvenirs de Madeleine, comme le numéro du Monde datant du 17 février 1999, date de naissance de Madeleine et dans la monture en carton de ces lunettes, j'ai écrit : " Pour ma fille Madeleine, à l'occasion de sa prochaine éclipse de soleil le 3 septembre 2081, signé Papa," on s'amuse comme on peut.
day 22042003.txt 1/2 keywords Prairie, Champ -
17:15:23
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 17:15:23
Photographie habituelle, en passant sous la ligne de haute tension, sur cette route qui nous conduit vers Saint-Germer-de-Fly. A Saint-Germer-de-Fly se trouve une cathédrale de conception unique alliant deux nefs, l'une de style fin roman et l'autre en gothique flamboyant, maintenant que j'y pense, je ne crois pas avoir jamais fait une seule photographie de cette cathédrale, en revanche je crois que, dans mes fichiers, j'ai un nombre conséquent de photographies de cette ligne de haute tension.
day 22042003.txt 1/2 keywords Prairie, Pylône -
17:55:38
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 17:55:38
Comme de coutume au moment des vacances scolaires, les maîtres nageurs de la piscine de Gournay-en-Bray avaient installé la sono, ce que j'ai d'abord redouté, parce que je ne sais quelle tarte à la crême de variété française passait quand nous sommes entrés dans le bassin. Et puis parce que cela devait être la fin du disque, un des maîtres nageurs de la piscine de Gournay-en-Bray a changé de galette, je me préparais à mentalement fermer mes portugaises, mais je ne m'étais pas préparé à entendre une très vieille chanson des Rolling Stones Play with fire, air dont le refrain ne me quitte plus depuis notre retour de la piscine (Don't play with me cause you play with fire) et j'étais sidéré comme cette chanson m'apparut comme familière alors que, pensai-je, je ne l'avais pas entendu depuis des lustres, et justement je me dis que je devais essayer de me rappeler quand j'avais entendu cette chanson pour la dernière fois, et Madeleine, j'en suis sûr, devait me trouver très casse-pieds à ce moment, étant donné le peu d'attention que je prêtais à ses jeux et à ses chahuts.
day 22042003.txt 1/2 keywords Enfant persons Madeleine -
18:15:22
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 18:15:22
Je me souviens que je n'ai entendu cette chanson que pendant un seul été, j'avais quatorze ans, j'étais au Pays de Galles, dans une petite ville balnéaire, Porthcawl, je ne suis plus très sûr, il faudrait regarder sur une carte, en voyage d'apprentissage des langues, et à l'époque combien ironisions-nous sur les efforts de nos parents qui nous envoyaient faire des progrès en langue, et nous étions bien fanfarons de dire que c'était surtout dans le maniement de la langue que nous faisions le plus de progrès, je veux parler, bien sûr, de ces premières pelles à la salive abondante à pas trop savoir quoi faire, ce qu'il était convenu de faire, de remuer la langue, c'était entendu, mais dans quel sens?, après tout nous étions au Royaume Uni. J'étais logé chez un médecin qui parlait parfaitement le français et qui prenait beaucoup de plaisir à m'apprendre les pires grossiéretés de la langue anglaise. Dans ma chambre, il y avait un tourne-disque ce qui constituait pour moi le rêve, avoir un tourne-disque dans sa chambre et ne pas avoir à négocier avec le père une interruption d'une série de disques d'Oscar Peterson pour pouvoir écouter quelques morceaux du Double Blanc, ou comble du luxe, la face 2 entière d'Abbey Road sur le pick-up du salon à Garches. Véritable supplice de Tentale cependant parce que les seuls disques disponibles étaient des tartes à la crème anglaises terribles, l'équivalent de ce que la variété française peut produire de pire, surtout celle des années soixante-dix, mais comble du bonheur tout de même, il y avait un double disque des Rolling Stones, une compilation de leur débuts, c'était la première fois que j'entendais les Stones et j'étais médusé d'entendre des morceaux comme Not Fade Away ou Play with fire. Ce dont je me souviens c'était l'effet vraiment incroyable que ce disque passé en boucle pouvait avoir sur ma libido, dont on imagine sans peine qu'à quatorze ans elle me travaillait déjà suffisamment comme cela, merci. Je me souviens de ma première petite amie, cet été là, elle était la première avec laquelle j'échangeais de ces baisers humides décrits plus haut, elle s'appelait Soline Langlois, elle avait des seins grandioses et me laissait en faire autant de choses, c'est à dire assez peu, que j'étais capable d'imaginer à cet âge, les toucher, les palper, en sentir le poids dans mes mains, c'était déjà beau, tandis que nous écoutions ce disque des Rolling Stones dans ma chambre, elle, elle était tombée sur une famille nettement moins drôle, dans laquelle il n'aurait pas été pensable que deux adolescents français, de sexe opposé, puissent être laissés sans surveilance étroite. Soline était prête à tout, territoires flous sur lesquels au contraire je n'étais pas du tout résolu à m'aventurer parce que le sermon paternel de pré-vacances, dans le salon, sur fond de Modern Jazz Quartet à tous les coups, résonait assez fort encore à mes oreilles (aujourd'hui c'est surtout le swing des mailloches de Milt Jackson qui perdure à mes oreilles). Et j'en étais là de mes pensées, partiellement immergé dans le bassin moyen de la piscine de Gournay-en-Bray, rattrapant Madeleine aux sortires du toboggan qui enchaînait descente après descente sans sembler se lasser du tout de ce petit manège.
day 22042003.txt 1/2 -
18:36:39
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 18:36:39
Après Play with fire, Wild Horses, dont je me souviens qu'un ami d'enfance qui était devenu, dans les traces de son grand frère à la pléthorique discothèque, un grand connaisseur des Stones, vantait que ce fût là la chanson ultime pour faire l'amour, ce dont ni lui ni moi ne savaient quoi ce soit d'ailleurs. Un an plus tard cependant, j'étais cette fois en Allemagne, là aussi pour apprendre la langue, dans la ville de Regensburg en Bavière et je fis l'amour pour la première fois __ cette année-là le sermon paternel sur fond de Duke Ellington avait eu moins d'effet, faut croire __ avec une jeune fille, nécessairement un peu plus âgée que moi, qui s'appelait Sylvie, elle aussi grande amatrice des Rolling Stones et qui ne serait jamais départie d'une cassette qu'elle s'était faite, compilation maison des slows des Stones, dans laquelle figurait en bonne place Wild Horses. Cette première expérience fut plutôt un désastre et quand bien même je me souviens avec précision avoir éjaculé sur Wild Horses et de n'avoir ni trouvé meilleur le plaisir de l'écoute de ce morceau ni meilleure non plus le plaisir de l'éjaculation. Je crois que j'en ai tenu une manière de rigueur à cet ami. Madeleine continue d'enchaîner les tours de toboggan, fort heureusement tout à fait indocte des pensées qui sont les miennes tandis que je suis partiellement immergé dans le bassin moyen de la piscine de Gournay-en-Bray
day 22042003.txt 1/2 keywords Fauteuil, Pelouse, Prairie -
18:45:04
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 18:45:04
Je me souviens des piscines en Angleterre et en Allemagne, de ces grands complexes sportifs, celui de Barnstaple en Angleterre et celui de Wiesbaden en Allemagne, piscines aux toits rétractables et dont les bords de ce fait donnaient sur de vastes étendues de pelouse sur lesquelles des jeunes gens jouaient au volley-ball (et y jouaient très bien, de façon sérieuse, en se battant sur toutes les réceptions et sur tous les contres), à la piscine de Wiesbaden je me souviens avoir joué une partie d'échecs sur un échiquier grand comme ma chambre à Garches et d'avoir perdu contre un jeune Allemand, qui annonçait schach (Echec!) Sur un ton à la fois calme et lugubre. Je me souviens d'une compétition de natation à la piscine municipale de Garches, toute l'après-midi, un dimanche après-midi, j'avais attendu que mon nom soit annoncé pour ma série de 100 mètres dos et apparemment, il fut oublié et quand je suis allé voir l'entraineur pour m'assurer qu'on ne m'avait pas oublié j'ai lu sur son visage qu'il mentait quand il me dit non non, on ne t'a pas oublié, et je suis rentré furieux au vestiaire, je me suis rhabillé et quand j'ai été entièrement rhabillé, presque prêt à partir, j'ai entendu dans les hauts parleurs de la piscine mon nom et celui de certains de mes camarades qui faisaient partie de la même série, je suis parti en courant, et en pleurant, honteux. J'ai appris récemment le décès de ce maître-nageur, des suites d'un cancer, je crois, un cancer de la peau, me semble-t-il, mais comme de l'eau avait coulé entre nous à la piscine de Garches, j'ai été très ému d'apprendre ce décès.
day 22042003.txt 1/2 keywords Serviette -
18:57:19
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 18:57:19
Je me souviens de mon apprentissage de la nage à la piscine de Saint-Cloud, le maître-nageur était un sadique qui n'avait d'autre plaisir que celui de me tendre la perche que quand j'étais sur le point de me noyer et que j'avais déjà bu la tasse, je m'accrochais à cette perche en toussant, il me ramenait au bord en me traitant d'incapable. Sa méthode n'avait aucune efficacité, pour ce qui est de l'apprentissage de la nage s'entend, pour ce qui est de l'assouvissement de ses phantasmes de torture, je veux bien croire lui avoir causé quelques bonheurs avec mes jappements de chiots que l'on noie, sa méthode, donc, s'agissant de m'apprendre à nager, donc, n'avait aucune efficacité parce que quand bien même, j'avais une peur bleue de ces scéances, je mis très longtemps à apprendre à nager, et ce que je ne comprends qu'aujourd'hui, sans doute, faisait-il durer le plaisir, le sien s'entend. À ma connaissance ce maître-nageur-là n'est pas décédé d'un cancer de la peau, la vie est mal faite. Je dis cela pour que vous sachiez tout de même que bien que de l'eau ait coulé entre ce maître-nageur-là et moi, à la piscine de Saint-Cloud, depuis le temps, je me départis difficilement de l'envie parfois que nos rôles fussent inversés, ne fusse qu'une seule fois où il m'aurait été donné d'être du bon côté de la perche et d'avoir sa peau en quelque sorte.
day 22042003.txt 1/2 keywords Enfant persons Madeleine -
19:34:07
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 19:34:07
En sortant de la piscine de Gournay-en-Bray. La périphérie de villes comme Gournay-en-Bray ou Gisors est vraiment une catastrophe visuelle. Les Anglais, pour qualifier cela, utilisent le mot de Eyesore, qui est à l'oeil ce que la rage de dent est aux dents.
day 22042003.txt 1/2 locations Gournay-en-Bray -
19:40:40
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 19:40:40
Cette photographie est une commande. Madeleine de l'arrière de la voiture m'a demandé de faire une photo des vaches, c'est toujours assez étonnant d'entendre Madeleine me demander de faire une photo, soit des vaches sur le bord de la route, soit d'un de ses dessins à la craie sur la dalle de la fosse septique au bas du perron dans le jardin, ou soit encore du car de l'école qui passe sous nos fenêtres, toutes ces images vont généralement dans un sous-dossier c/Phil/images/dessins_enfants/madeleine/commandes, celle-ci rejoint les autres photographies qu'elle m'a demandé de prendre, mais dont elle exprime très rarement le désir de les voir, ou de les revoir, j'archive pour plus tard, au même titre que les lunettes de soudure en carton pour la prochaine éclipse de soleil. Vraiment elle me remerciera plus tard.
day 22042003.txt 1/2 keywords Vache, Prairie -
19:45:44
by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003 19:45:44
Route de Puiseux-en-Bray, Madeleine silencieuse à l'arrière, c'est plutôt rare, mange ses chips et son saucisson: dans dix ans j'écrirai: "je me souviens de l'odeur mêlée des chips, du saucisson et de l'eau chlorée, dans la voiture le mardi soir en revenant de la piscine de Gournay-en-Bray".
day 22042003.txt 1/2 keywords Route, Campagne