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by Philippe Jonckheere (de) | April 22, 2003
Vu aperçu mal vu sur le côté de la route en allant au travail cette fin d'après-midi, une voiture accidentée, de laquelle est sorti un homme qui se rendait surement à un mariage pour être habillé de façon aussi sote, une espèce de complet veston pied de poule, à moins que ce ne fût à un bal masqué, l'homme était de grande taille, éflanqué, décidément très emprunté dans son costume de témoin de mariage endimanché, il portait dans ses bras, retenus dans des mains osseuses et dûment gourmettées un épouvantable chiot, une sorte de chihuahua-à-sa-mémère-avec-un-ruban-entre-les-oreilles, vous n'êtes pas obligé de me croire mais ce chien-là portait effectivement un ruban rose sur le chef, ce qui d'ailleurs se détachait prodigieusement, en terme de couleurs, du pied de poule gris moyen, un gris donc à 18% de reflection, et qui habillait donc notre homme qui se donnait volontiers des airs de mafiosi de basses oeuvres en plein boulot. En soi cet homme était la renc(6 octobre 2002)
ontre fortuite et accidentelle de deux chansons de Tom Waits, une dans laquelle un quidam met le feu à la maison de sa femme parce que vraiment il ne supportait plus son chihuahua et cette autre chanson dans laquelle un autre quidam demande à un tiers: et tu sautes toujours par la fenêtre habillés de costumes coûteux? ( Are you still jumping out of windows in expensives suits ). J'ai bien pouffé, englué dans mon embouteillage rituel du tunnel précédant le pont de Joinville, embouteillage qui me fait d'autant plus pester, habituellement, que ma radio perd toute réception, pendant son interminable traversée. Mais cette fois le chihuahua enrubanné aidant, j'étais d'humeur plus badine, aussi je poussais un peu le volume de l'auto-radio en question, ce qui me restitua à merveille cette version acousmatique de 4 minutes 33 de silence de John Cage (je me souviens comme aux Arts Décos avec quelques copains quand on s'appelaient c'était une de nos blagues préférées de s
e dire: "attends je vais baisser un peu la musique parce que je t'entends mal. Pourquoi qu'est-ce que tu écoutes? John Cage: 4 minnutes 33 de silence!", ce qu'on peut-êtrre con quand on est jeune) version dans laquelle on entend du souffle très amplifié ( oui pendant 4'33, comme l'authentifie le compteur horaire du lecteur de CD). Le souffle était accentué encore par le grondement de tous ces moteurs cloîtrés dans le tunnel. Aux sortires de ce dernier la radio s'est remise à recevoir, une note, une seule et je reconnus, assez fier de moi ( ce n'est pourtant pas difficile, mais voyez vous en voiture, seul dans un embouteillage, toutes les vanités ne prêtent pas à conséquence ), le début de Naima de John Coltrane. C'est assez curieux, comme de retrouver dans un livre, dont j'entrepends la relecture, un signet qui me redonne à voir les conditions de sa précédente lecture: j'ai lu Pinget pour la première fois dans les Cévennes en novembre 1992, c'était Quelqu'un
, cette lecture, dans toute sa tension, m'a retenu de l'ennui sans cesse allongé après mon inutile opération du dos. De même lorsque j'écoute certains disques à la maison, je revois souvent comme en songe les paysages d'autoroutes de banlieue sacagée et saturée, en hiver, dans la grisaille, pour les avoir déjà entendus sur mon auto-radio en allant ou en rentrant du travail.
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