Photos
14:06:04
Par Philippe Jonckheere (de) | 22 avril 2003
Rallumer l'ordinateur du travail pour aller chercher les lignes écrites cette nuit subrepticement. Je perçois toujours comme une invasion le branchement de cet ordinateur sur ma table et des pensées paranoïaques folles me donnent à craindre qu'un logiciel d'espionnage sur le réseau traque, à mon insu, le moindre de mes agissements à partir de cet ordinateur, même quand il est branché à la maison et déconnecté de son réseau, ce qui est idiot bien sûr, mais à force de dispersion sur la toile, on finit par devenir frileux ou terriblement imprudent. Avec le matériau que j'ai coutume de mettre en ligne, on me pose souvent la question de savoir comment je vis tant d'impudeur, il ne faut pas exagérer tout de même, je n'ai encore pas décrit mon penchant pour les équipements de plongée s'agissant de l'acte sexuel, ou encore tant de potentielle indiscrétion, ce qui me ramène à la question de mon sujet, l'intime. En photographie, l'intime, ce qui faisait directement partie de mon environnement proche, relevait déjà de mon sujet, puis quand j'ai commencé à écrire, ce sujet s'est fait plus prégnant encore, davantage au centre du travail. Avec la capacité d'autopublication fournie par internet la question a pris un tour nouveau, parce que de complétement confidentiel et secret mon travail est devenu public, mais à vrai dire n'avais-je pas déjà répondu à ces questions une mauvaise fois pour toutes, c'est à dire quand déjà dans la solitude de mon atelier à Portsmouth, j'avais résolu de ne plus travailler sur d'autres sujets que ceux qui m'étaient directement à portée de main. C'est curieux mais il me semble que j'avais davantage peur dans l'atelier solitaire, peur que l'on vienne à surprendre toutes ces activités dont aucune d'ailleurs n'était illicite mais dont j'aurais eu à rougir parce que vraiment qui aurait pû penser qu'un informaticien, fût-il Français en exil, puisse se livrer à de telles lubies, des après-midis durant dans l'obscurité de sa salle de bain. Aujourd'hui il me semble que j'aurais davantage à concevoir une quelconque honte pour mon activité d'informaticien dont d'aucuns, un peu prompts dans leur jugement, argueraient qu'elle ne soit pas une profession suffisamment créative. Disons que j'ai résolu de ne pas gagner ma vie et celle de ma famille avec ce que justement j'avais le plus à coeur, précisément pour maintenir une cloison étanche entre l'objet du coeur et le pécunier. Ce que d'aucuns sont parfois rapides aussi à me reprocher c'est que l'entreprise pour laquelle je travaille n'est pas exactement une corporation d'enfants de choeur et que j'y trahirai une partie de mon âme, chapître de ma personne plus "artiste", mot que je répugne toujours à m'appliquer, parce qu'il ne me semble pas que ce soit à moi de donner valeur à mon travail et à dire ce précisément dont il est fait. Est-ce que je me trahis en rendant ma vie de bricoleur et flâneur, exempte de toute dépendance financière en choissant de travailler, un peu comme toute le monde somme toute, je veux parler de la portion socialement priviégiée des personne ayant de fait un travail rénuméré, pour une entreprise dont je ne serai jamais maître ni de la destinée ni de la politique, et heureusement pour mes collègues, fûssent-elle bonnes ou mauvaises, parce que je n'en serai jamais qu'un modeste employé ou est-ce que je trahirais mon âme en travaillant dans une branche qui serait davantage la mienne mais dans l'exercice de laquelle je tarirai toute expression en devenir possible, en dehors de contraintes qui sont systématiquement celle de la création rénumératrice. Et bien sûr, comme en toutes choses, j'étais loin de me douter qu'une image aussi anodine que celle d'un ordinateur portable sur une table puisse m'obliger pareillement à réfléchir sur ce que potentiellement elle détient en elle de sémantique. J'exagère quand même un peu et " sémantique ", cela fait un peu savant non ?
Journée | 22042003.txt 1/2 |
Mots-clés | Ordinateur |